L’interprétation d’une ordonnance implique une certaine culture générale en plus d’une culture pharmaceutique et médicale. L’utilisation des raccourcis lors de la prescription est courante. La voie d’administration, la fréquence, la forme pharmaceutique sont habituellement abrégées ou intégrées dans un acronyme. Parfois, les abréviations sont tirées de mots ou d’expressions en latin avec un mélange de français et d’anglais! Il y a assurément trop d’acronymes et d’abréviations utilisés dans les prescriptions.
La plupart de ces travers et raccourcis sont compris de tous, même si dans plusieurs cas, l’origine de l’abréviation utilisée est inconnue de son utilisateur. Qui connait la signification de prn? bid? ou autres abréviations latines? Heureusement, la plupart des professionnels vont reconnaître qu’il s’agit du latin!
Une pratique de certains prescripteurs est longtemps restée mystérieuse pour moi. Il s’agit de l’utilisation d’un glyphe particulier pour représenter le chiffre 2. Les deux ordonnances suivantes illustrent l’utilisation de ce glyphe.


Les quelques fois où j’ai posé des questions sur ce glyphe, on m’a expliqué que le nombre de points représente le nombre qu’on souhaite exprimer. Par contre, en ce qui concerne l’origine de ce glyphe et des autres variantes (j’ai souvent vu 1, 2 ou 3 écrits de cette façon), personne n’a jamais réussi à bien m’expliquer l’origine de cette pratique! Mes recherches n’ont pas donné grand-chose non plus… Difficile de trouver l’origine de quelque chose qu’on ne peut nommer!

Dernièrement, lors de certaines recherches pour le site Histoire de la pharmacie au Québec, j’ai découvert le livre « Practical Materia Medica and Prescription Writing« écrit par Oscar Walter Bethea en 1915. Il s’agit d’un livre du domaine public dont des réimpressions peuvent être achetées sur Amazon. Si vous êtes intéressés par l’histoire médicale où l’histoire des sciences, ce bouquin saura vous captiver. En plus de contenir de nombreuses « recettes » de prescriptions, la partie 2, intitulée « Prescription writing », permet de comprendre l’origine de nombreuses habitudes de prescription. On retrouve à la page 331 la façon de prescrire en chiffres romains.

On précise que des précautions doivent être prises pour éviter les erreurs lors de la prescription en chiffres romains:
- utilisation du L majuscule pour éviter de confondre le l minuscule et le i;
- écrire les minuscules et les majuscules de la même grosseur;
- tracer une ligne par-dessus les lettres qui représentent un nombre;
- toujours mettre les points sur les i et les j qui, autrement, pourraient être confondus avec une virgule ou un v;
- le i final est inscrit comme un j afin d’éliminer les risques d’être confondus avec une ponctuation.
Il s’agit donc de prescription en chiffres romains!
Compte tenu des risques que des ordonnances en chiffres romains soient mal interprétées ou qu’elles causent des délais dans l’interprétation, il faut éviter de prescrire de cette façon. Si vous souhaitez absolument afficher votre culture… prescrivez en chiffres arabes!
Avez-vous vu des prescriptions en chiffres romains dernièrement? Faites-moi signe et je les ajouterai à ce billet pour illustrer la pratique.
De manière générale, les prescriptions sont difficilement compréhensibles pour un non initié.